Avec toutes mes sympathies, Olivia de Lamberterie.



Ce roman est celui d'une famille, d'un deuil inconsolable, abrupt. De ceux qui provoquent la colère, l'incompréhension, l'impuissance face au terrible mal qui rongeait insidieusement le frère d'Olivia de Lamberterie, récemment suicidé. Dans L'autre qu'on adorait, Catherine Cusset avait déjà raconté la vie de son meilleur ami et de ces êtres qui, hors normes et extraordinairement géniaux, survolent notre univers sans pouvoir s'y accrocher. Comment prévoir, les comprendre, les aider ? Éviter le pire, est-ce possible ?

Comme Catherine Cusset, Olivia de Lamberterie s'interroge... Elle raconte, fait revivre par les mots celui qui comptait plus que tout. Son frère, son alter-ego d'une sensibilité rare, lumineuse, solaire, que tous vénéraient et à qui elle se confiait : "Nous étions deux muets qui l'un en face de l'autre retrouvaient l'usage de la parole. Avec qui chuchoter aujourd’hui ?"

Au sein de cette grande famille qui en jette et dont elle parle conjointement avec affection et un certain détachement, la littérature est ce qui permet à l'auteur de questionner la vie, d'en relayer les grands moments. C'est aussi la seule chose qui peut donner corps à ceux qui se sont échappés de la réalité...

Cherchant dans les livres et dans les mots des autres des échos à sa propre voix, Olivia lit depuis toujours...Elle connaît par cœur la vie des grands écrivains: "J'ai la mémoire des autres. Je connais les souvenirs d’enfance de Patrick Modiano sur le bout des doigts, mais les miens sont nébuleux". Il faut dire que dans sa famille, l’effusion de sentiments n'est pas l'une des valeurs les plus fondamentales ! On se doit d'être digne et de garder ses émotions pour soi. Alors, elle se met à écrire. De toute façon, c'est la seule chose qu'elle puisse faire : les mots des autres sont devenus vides de sens, elle ne tolère plus le moindre signe graphique, vomit le moindre email. Puis, c'est une promesse qu'elle avait faite à son frère. Raconter leur histoire.

A hauteur de ce compagnon de jeux d'enfants, de cabanes et de rêves enfouis, à l'affût des souvenirs complices les plus fous qu'elle a pu partager avec ce frère follement aimé et à l'assaut de cette grande famille fantasque dont les portraits sont plus réjouissants les uns que les autres, la critique littéraire adulée du Masque et la Plume combat le mal-être par les mots.

Sous l'extrême fragilité d'un monde nouveau dans lequel elle avance et cherche Alex partout ("Où es-tu?"- comme un leitmotiv), on avance coûte que coûte et parfois l'on rit. Olivia semble forte, vivante. De qui tient-elle cela ? De quel oncle, quelle tante ? Quelle branche familiale ? Et de qui son frère tenait-il sa faiblesse? Frôlant sensiblement ceux qui vont défaillir, ceux qui souffrent ou ne sont plus là pour raconter, on parcourt par ses mots le chemin d'une grande femme qui résiste malgré tout, qui s'accroche au récit car seul celui-ci garde vivant. Et c'est beau ! Olivia de Lamberterie parvient aussi à retranscrire élégamment la vie d'un être exceptionnel qui incarne en lui seul d’autres âmes échouées; elle lui rend justice par-delà la mort et tout en respectant la tristesse profonde d'Alex, insuffle en sa mémoire toute la joie de vivre qui la caractérise.



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