Uvaspina, Monica Acito
Pour qu'un roman nous tienne en haleine, il faut une langue, une langue qui n'a pas peur, qui épouse son sujet, qui lui donne corps, qui nous transporte, exactement là où les personnages sont, comme si nous y étions nous-mêmes, depuis des lustres, éveillés, avides, assoiffés.
Uvaspina, le premier roman de Monica Acito, est une réussite en ce sens, une sorte de grand huit sous citron acide, reflets turquoise, soleil brûlant, rap italien à fond. Tout poisse le bord de mer lumineux et tragique, grande étendue limpide qui lave, depuis l'ouverture magistrale par la (fausse) mort de la mère, bonne femme fantasque désespérée et comédienne hors pair, jusqu'aux frasques de Minuccia, gamine insupportable, toupie colérique foudroyante, que le regard d'Uvaspina, garçon sensible, porte affectueusement du bout des bras. Des bras spaghettis, qui s'adaptent, s'étirent, s'allongent sans cesse pour tenter de pallier, d'entourer, à défaut d'étrangler... Des bras qui s'oublient et qui peu à peu se trouvent. La beauté de Mort à Venise affleurante, presque... Cette fragilité.
C'est l'histoire d'une explosion sensorielle parfaitement maîtrisée et jouissive pour dire la famille napolitaine, sa chair transpirante, ses rêves avortés, sa solidarité dans le désamour, ses aspirations sublimes. Vous aurez compris que Monica Acito ne mâche pas ses mots, et c'est tant mieux. Elle manie la personnification et la métaphore avec brio depuis les bas-fonds, rendant ces vies, leurs interpendances devastrices follement joueuses joyeuses. C'est une survie donc, écrite à 32 ans de la main d'une jeune femme gouailleuse qui aime pleinement ses personnages. Ça tombe bien, nous aussi.
" Antonio éclata d'un rire qui résonnait comme un blasphème au milieu des stucs et des parements, un sacrilège pour les vieilles femmes immobiles et pour la petite madone au regard apeuré. Uvaspina pensa qu'Antonio avait un rire à faire tomber les christs de leur croix ".
" Posillipo signifiait " trêve de la douleur ". Si Naples était un gigantesque poulpe, alors le cap Posillipo était sa tête, pensa Uvaspina ".
Uvaspina, Monica Acito, Éditions du sous-sol, 2025. Traduction : Laura Brignon.
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