Dans la forêt, Jean Hegland.

Je me suis laissée embarquer au fin fond de la forêt, avançant à pas de loup, au rythme des pages du cahier que Nell remplit peu à peu. Un vieux cahier retrouvé dans les décombres de ce qui avait appartenu à ses parents avant que ceux-ci ne disparaissent.... Un cahier retrouvé la veille de noël, alors que cette fête ne fait plus sens pour deux jeunes sœurs livrées à elles-mêmes. Pourtant, il faut continuer à vivre, à songer à son avenir, à habiter les lieux et le temps. Alors Nell écrit.

Eva, sa soeur, danse... Elle ne fait que ça, nuit et jour, sans musique parce que l'électricité a été subitement coupée. Son rêve de ballerine l'emporte chaque pas un peu plus loin, l'enfermant dans un monde de gestes parfaits mais vains... Sans essence pour la voiture qui leur reste, comment rejoindre un jour la compagnie de danse qu'elle visait d'intégrer?

Chacune murée dans leurs espaces alors qu'autour d'elles tout est si large, si vaste, elles avancent. Elles s'aiment comme la seule famille qui leur reste, s'ignorent, se serrent les coudes... Le lien est fort, gémellaire. Alors, comme il faut survivre, elles comptent les provisions de nourriture qui leur restent car il est bientôt impossible de rejoindre la ville, elle aussi au point mort. Le mystère s'invite en douceur, de plus en plus présent... Ici, il faut trouver un moyen de vivre, de rester vivant alors qu'autour les animaux rodent et que le danger est partout.

Pourtant, malgré les conflits intérieurs qui frôlent et ébranlent chaque décision sommaire qu'elles prennent (manger le bonbon conservé depuis la mort de leur mère? boire tout le reste du thé en une fois ou le diviser à l'infini pour quand ce sera fini?), leurs mouvements s'amplifient; le sens profond de leur vie se construit. Le lieu est ouvert et pourtant clos. Chaque décision compte.
Comme les pliés, les fouettés, les ronds de jambes d'Eva se libèrent après le drame, la vie reprend, puis suit son cours. Le jardin qui se reconstruit enfin par ce qu'on pensait ne plus jamais pouvoir exploiter est une image forte qui achève le roman. Tout est là, la vie, sous terre, près de nous; les outils à portés de mains, en nous.
Il me semble que le passage où Nell s'enfonce dans la forêt comme seule ressource à leur survie et à ses inquiétudes profondes est l'un des plus beaux. Perchée en haut d'un arbre, elle guette, imagine un autre chemin, une issue possible... La nature la pousse à trouver des solutions. Elle y puise une forme d'inspiration!

La vie de Nell et d'Eva s'inscrit peu à peu dans les tracés de la forêt jusqu'à s'y confondre. On ferme le livre en restant encore longtemps avec elles, et la couverture turquoise du livre ainsi que la photographie qui l'illustre, tronquée, lisible par ces multiples significations, prolongent cette sensation.

Aussi intriguant et vaste que les contours de la nature sont difficilement traçables, tel est sans doute ce qui me reste de cette lecture.

Résumé de l'éditeur : Rien n’est plus comme avant : le monde tel qu’on le connaît semble avoir vacillé, plus d’électricité ni d’essence, les trains et les avions ne circulent plus. Des rumeurs courent, les gens fuient. Nell et Eva, dix-sept et dix-huit ans, vivent depuis toujours dans leur maison familiale, au cœur de la forêt. Quand la civilisation s’effondre et que leurs parents disparaissent, elles demeurent seules, bien décidées à survivre. Il leur reste, toujours vivantes, leurs passions de la danse et de la lecture, mais face à l’inconnu, il va falloir apprendre à grandir autrement, à se battre et à faire confiance à la forêt qui les entoure, emplie d’inépuisables richesses.
Considéré comme un véritable choc littéraire aux États-Unis, ce roman sensuel et puissant met en scène deux jeunes femmes qui entraînent le lecteur vers une vie nouvelle.

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