Des gens sensibles, Éric Fottorino


Il semble n'y avoir rien eu et pourtant tout y est, par l'écriture, définitivement joints devant l'essentiel, le récit quasi rêvé d'une rencontre, d'une enquête, d'une époque. Paris, 1990, Jean Foscolani dit Fosco s'apprête à publier son premier roman - Des gens sensibles. Par le récit de cette ascension littéraire, Éric Fottorino creuse ce qui lie des êtres, cette quête devant la part d'insurmontable que chacun porte en soi.


Une fois la dernière page tournée, on sent combien ce roman est imminemment modianesque : la recherche d'un lieu comme carte d'une identité - l'observation du proche par le lointain, plaque tournoyante des humanités incarnées.


C'est un très beau texte, humble, sur fond de drame algérien et de foi en les mots.


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" Parfois j'appelle de vieux amis pour leur demander de me raconter Clara, de me raconter Clara et Said, Clara, Saïd et moi. Je sens leur surprise. C'est si loin, me disent-ils, plus de trente ans, Ils ont oublié. J'insiste, Nous étions si proches. J'éprouve une sorte de vertige, comme si ces deux êtres de combien de chair et de combien de sang n`avaient au bout du compte existé que dans mon imagination, un printemps et un été, à peine plus, à la fin du xxe siècle. En fermant les yeux, pourtant, je les vois distinctement, j'entends la voix rauque de Clara, celle plus

sourde encore de Saïd. Me reviennent aussi le parfum, l'odeur de sa peau, son odeur de tabac et d'alcool qui me poursuivait.


Je traverse son quartier, le Lion de Denfert, la rue Daguerre, les marchands de primeurs. Me voici dans sa rue, Tout semble comme avant, C'est allumé chez elle. Elle doit s'agiter derrière la fenêtre de son salon, harnachée, impatiente, impétueuse, le visage enveloppé

de fumée, tension d'arbalète. Prête pour un nouveau combat. La littérature ne gagne jamais une fois pour toutes".


*

" Au loin, brillante encor par sa barre d'écume, La mer sans fin commence où la terre finit".

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