L’avenir du roman en question : Nathalie Sarraute, L’ère du soupçon.

Crédit photo "Un livre pour", 2023. 


L'Ère du soupçon
  est un essai de Nathalie Sarraute (1900- 1999) composé de quatre articles publiés par entre 1947 et 1956, année de sa parution aux éditions Gallimard.

Ce recueil, contemporain des premiers écrits des « nouveaux romanciers » (Robbe-Grillet, Butor, Simon…) est généralement considéré comme le premier  manifeste du « nouveau roman » (Pour un nouveau roman d’Alain Robbe-Grillet ne paraîtra qu'en 1963). Cependant, au-delà de certaines idées propres au nouveau roman qu’il contient en germe, il constitue surtout un témoignage sur les débats littéraires en cours dans les années de l'après-guerre, ainsi que celui d’un auteur qui  réfléchit sur son activité créatrice. Ainsi, l’essai de Nathalie Sarraute reste encore aujourd’hui une œuvre cruciale pour quiconque s’intéresse aux problématiques du roman, à sa pertinence comme genre littéraire et à son évolution au fil du temps.

 En effet, L'Ère du soupçon n’est pas seulement une importante remise en question du roman, c’est, surtout, un questionnement plus vaste sur son évolution, critère absolument nécessaire, selon l’auteur, aux renouvellements des formes et au maintien , à travers l’Histoire, d’une littérature de qualité qui ne doit pas uniquement répondre aux « besoins » des lecteurs, à leurs aspirations intérieures profondes, mais qui doit avant tout les interroger, les surprendre, les faire réagir… 


Sur ce point, nous pouvons penser à Milan Kundera, autre auteur majeur et critique du roman au XXe siècle, pour qui la littérature doit être avant tout, plus qu’une affirmation, une mise en question. Dans cette perspective, les interrogations des nouveaux romanciers rejoignent celles, plus personnelles, de l’auteur : pouvons-nous, dans une période d’après-guerre, continuer à écrire toujours de la même manière? 


Pour Sarraute, il est temps de se débarrasser de ces notions « périmées » que sont les artifices dont le roman s’est paré au fil du temps, et qui ne sont à ce jour plus que des « trompe l’œil » ! Aussi, pour démontrer la nécessité de cette entreprise de destruction, ou devrions-nous dire plutôt le bien fondé d’une reconstruction, Nathalie Sarraute décortique-t-elle les œuvres de ceux qui ont fait date et de ceux qui ont bien voulu s’essayer à l’exercice difficile du renouvellement des formes pour en faire un état des lieux à la fois critique et sensible. 


Au fil des pages, nous entendons bien ce que l’écrivain a essayé d’expérimenter elle-même dans son œuvre. Nous comprenons aussi ce qui, à l’époque, n’avait pas été entendu des critiques contemporains. Tropismes est une mise en œuvre de ses principes; l’Ere du soupçon, le manuel, guide utile aux critiques qui ne savent plus lire qu’à travers leurs lunettes empoussiérés. 



 


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