Les impatientes, Djaïli Amadou Amal (Prix Goncourt des lycéens 2020).

 Une voix à porter haut et fort pour dénoncer les atrocités que vivent les femmes du Sahel !

 Dans un style simple mais percutant, Djaïli Amadou Amal nous relate les violences conjugales dont sont victimes les femmes du Sahel. C’est un récit bouleversant et tragique, nécessaire à la dénonciation des atrocités que subissent encore certaines femmes de nos jours.

 Née dans l'extrême nord du Cameroun, Djaïli Amadou Amal est peule et musulmane. Mariée à 17ans, elle a connu tout ce qui fait la difficulté de la vie des femmes du Sahel. Lauréate du Prix de la meilleure auteure africaine 2019 et du prix Orange du livre en Afrique 2019, elle est publiée pour la première fois en France.


Extrait 1 : « Jusqu’au dernier moment, naïvement, j’ai espéré un miracle qui m’épargne cette épreuve. Une rage impuissante et muette m’étrangle. Envie de tout casser, de crier, de hurler. Ma sœur ne retient plus ses larmes et sanglote. Je suffoque. Je cherche sa main et la serre fort pour la réconforter. Devant sa détresse, je me sens forte malgré ma peine […]

-Que jamais vos parents ne sachent ce qui est désagréable dans votre foyer, gardez secrets vos conflits conjugaux, ne cultivez pas l’aversion entre vos deux familles car vous vous réconcilierez, alors que la haine que vous sèmerez perdurera, ajoute oncle Hayatou. Après un silence, mon père reprend sur le même ton grave et autoritaire :

-A partir de maintenant, vous appartenez chacune à votre époux et lui devez une soumission totale instaurée par Allah. Sans sa permission, vous n’avez pas le droit de sortir ni même celui d’accourir à mon chevet ! Ainsi, et à cette seule condition, vous serez des épouses accomplies » (p19).

 

Extrait 2 : « Un soir, Mourarak revient comme d’habitude, ivre et hargneux, il exige à plus de minuit que je lui fasse une bouillie. Je m’affaire, inquiète à l’idée qu’à une heure aussi tardive je ne puisse trouver les bons ingrédients. Et, dans mon affolement, je n’arrive pas à rallumer le feu.

Las d’attendre, celui-ci me rejoint dans la cuisine. Et, quand il découvre que le foyer est encore étaient, il devient enragé. Un rictus défigure son visage. Nos regards se croisent un bref instant puis, sans rien dire, il repart dans la cour. Fébrilement je cherche une bûche quand un violent coup dans le dos me précipite dans la cendre. Etourdie, je réussis, par instant de survie, à lui faire face et me protège le visage au moment où trois autres coups d’un parasol, associés à de nombreux coups de pieds, s’abattent violemment sur moi.

-Tu me fais rapidement cette bouillie ou je reviens t’achever ! menace-t-il en retournant vers sa chambre.

Le visage tuméfié et le corps plein d’ecchymoses, je tremble de tous mes membres ? Mon pagne est souillé d’urine. Il faut que je rallume le feu, que je fasse cette bouillie. Mes maints tremblent tellement que je renverse par terre une partie de la farine, déjà insuffisante.

Moubarak ne tarde pas à revenir. Sa silhouette athlétique surgit dans la pénombre, son ombre terrifiante se détache sur le seuil de la porte. Dans le silence, à peine troublé par mon souffle, je sens mon cœur battre la chamade et je me mets à le supplier en claquant des dents ;

-S’il-te-plaît, je me dépêche ! S’il-te-plaît… » (p129). 

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