Les impatientes, Djaïli Amadou Amal (Prix Goncourt des lycéens 2020).
Une voix à porter haut et fort pour dénoncer les atrocités que vivent les femmes du Sahel !
Extrait 1 : « Jusqu’au
dernier moment, naïvement, j’ai espéré un miracle qui m’épargne cette épreuve.
Une rage impuissante et muette m’étrangle. Envie de tout casser, de crier, de hurler.
Ma sœur ne retient plus ses larmes et sanglote. Je suffoque. Je cherche sa main
et la serre fort pour la réconforter. Devant sa détresse, je me sens forte
malgré ma peine […]
-Que jamais vos parents ne
sachent ce qui est désagréable dans votre foyer, gardez secrets vos conflits
conjugaux, ne cultivez pas l’aversion entre vos deux familles car vous vous réconcilierez,
alors que la haine que vous sèmerez perdurera, ajoute oncle Hayatou. Après un
silence, mon père reprend sur le même ton grave et autoritaire :
-A partir de maintenant, vous appartenez
chacune à votre époux et lui devez une soumission totale instaurée par Allah.
Sans sa permission, vous n’avez pas le droit de sortir ni même celui d’accourir
à mon chevet ! Ainsi, et à cette seule condition, vous serez des épouses
accomplies » (p19).
Extrait 2 :
« Un soir, Mourarak revient comme d’habitude, ivre et hargneux, il exige
à plus de minuit que je lui fasse une bouillie. Je m’affaire, inquiète à l’idée
qu’à une heure aussi tardive je ne puisse trouver les bons ingrédients. Et,
dans mon affolement, je n’arrive pas à rallumer le feu.
Las d’attendre, celui-ci me
rejoint dans la cuisine. Et, quand il découvre que le foyer est encore étaient,
il devient enragé. Un rictus défigure son visage. Nos regards se croisent un
bref instant puis, sans rien dire, il repart dans la cour. Fébrilement je
cherche une bûche quand un violent coup dans le dos me précipite dans la
cendre. Etourdie, je réussis, par instant de survie, à lui faire face et me
protège le visage au moment où trois autres coups d’un parasol, associés à de
nombreux coups de pieds, s’abattent violemment sur moi.
-Tu me fais rapidement cette bouillie
ou je reviens t’achever ! menace-t-il en retournant vers sa chambre.
Le visage tuméfié et le corps
plein d’ecchymoses, je tremble de tous mes membres ? Mon pagne est souillé
d’urine. Il faut que je rallume le feu, que je fasse cette bouillie. Mes maints
tremblent tellement que je renverse par terre une partie de la farine, déjà
insuffisante.
Moubarak ne tarde pas à revenir.
Sa silhouette athlétique surgit dans la pénombre, son ombre terrifiante se
détache sur le seuil de la porte. Dans le silence, à peine troublé par mon
souffle, je sens mon cœur battre la chamade et je me mets à le supplier en claquant
des dents ;
-S’il-te-plaît, je me dépêche ! S’il-te-plaît… » (p129).
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