POESIE : Midi sur l'abîme, André Bonmort

 

Que ferons-nous de nos indignations, de nos colères ? 

« Ne m'appelez pas La Parole si vous n'ambitionnez de retisser le lien rompu entre les mots et la part meurtrie du monde ». Telle pourrait être une réponse, la réponse d’une poésie très engagée d’André Bonmort. Il anime la collection Littératures actuelles de la maison d’édition Sulliver. L’intention ? « Briser les schémas mentaux dominants, rétablir dans ses droits la cohésion du vivant, ambitionner de redonner la parole à la part fragile du monde ». Midi sur l’abîme est un pamphlet poétique notable, l’essai par la parole d’une restitution collective qui incite chacun à prendre ses responsabilités. Le poète n’est jamais autant qu’ici celui qui dit, qui dépose aux pieds ce qui a été blessé, meurtri, et dont il faudrait se saisir en sa suite.

Liminaires, les mots d’Aimé Césaire, ouvrent le recueil comme appel à un projet poétique commun: « Il faut bien commencer. Commencer quoi ? La seule chose au monde qu’il vaille la peine de commencer : la fin du monde parbleu ». S’ensuit un texte comme un long cri jaillissant, le déferlement à vif des états du monde, leurs embrasements successifs. On ne fait pas marche arrière, on entre et il faut suivre le fil qui extirpe tout, parce qu’il faut à la compréhension d’une totalité remonter loin dans les fondements, passer les ponts aux jambes qui s’enchevêtrent, tenir bon. C’est une parole ouragan, qui fonde en la langue, en sa puissance, en sa capacité réflexive, tous les espoirs. Que peut encore le langage poétique, sous quel militantisme ? Rien et tout si l’on en juge dans le temps sa capacité à maintenir une instance hors et dans le monde, re-créatrice en somme, de tout ce dont il se nourrit. C’est un texte enfin qui m’a semblé fait pour être lu à voix haute, pour être entendu, et ainsi partagé.   

Un grand merci aux éditions SULLIVER pour leur délicate proposition d’envoi du texte.  Midi sur l'abîme d'André Bonmort paraîtra le 14/10/2025. 

" S’imprégner du souffle du monde, qui se morcelle sans jamais se briser.

Parler cette langue c’est réapprendre la syntaxe de l’univers.

 

Cette langue

Un Eldorado une nomade

Une marge

Par quoi l’infini s’agrandit

 

Si elle est inscrite dans la chair du monde, il te faudra y mordre, la recueillir, la déglutir,

La transmuer en énergie qui viendra irriguer jusqu’ aux confins des capillaires et des nerfs,

Te fera sensible aux vibrations du dehors "

" Ne l'entendez-vous pas?

Ce n'est qu'un souffle mais tellement considérable

il est le souffle incarné,"

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