Redevenir étudiant. Un hiver à Paris, Jean Philippe Blondel.


            Si Victor n’avait pas quitté sa province pour passer l'hiver en classe préparatoire à Paris, quelle aurait été sa vie? Professeur de français et écrivain; le narrateur du dernier Blondel plonge en ces zones obscures du passé que la mémoire oublie.
            1984: un drame. Dans la classe qu'il vient d'intégrer, Victor rencontre Matthieu, un élève discret, timide... Or un jour, l'irréparable se produit. Il se suicide. Ce jour-là, tout le monde parle de Matthieu, chacun convoque un souvenir de celui qui fut brièvement.
            Loin de son milieu social d’origine, Victor observe, compose tant bien que mal avec la mort d'un ami potentiel d'ores et déjà défunt. Il le savait esseulé. S'il avait pris le temps de lui parler, de mettre de coté le qu'en dira-t-on, que se serait-il passé? Dans ce petit monde qui s'agite en un ballet factice, les masques comptent plus que les âmes. Entre déni et malaise, le lecteur surveille, écoute, analyse cet univers qui lui en rappelle tant d'autres où les faibles n'ont pas leur place. Des questions surgissent: quel est le prix à payer pour l'ambition?

            Très finement, Blondel recrée un monde clos où seul jouer un rôle importe. Victor y incarne une voix dissonante. Il est à peine au seuil de ses ambitieuses études qu'il ne pourra déjà poursuivre celles-ci tant la voix perçante et abyssale d'un pair ouvre cruellement le début de sa formation. En ce jour tragique, ne comptera plus qu'une volonté: écouter cette voix unique qui résonne en lui. Celle du cri d'une singularité humaine face au conformisme.
            La leçon ne se fait pas assis, en classe, à l'écoute du professeur. Elle se fait en marge, violente et marquant au fer rouge et à vie la sensibilité d'un jeune homme qui se construit. Décrivant à merveille un monde pervers et cruel où la mort sert de miroir aux vivants, Blondel rappelle ce que grandir veut dire.




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