Une bête au paradis, Cécile Coulon



J’aurais aimé vous dire que le dernier roman de Cécile Coulon m’a embarquée, totalement bouleversée et que je n’en suis pas revenue… Je l’attendais avec impatience, premier roman lu et choisi sur ma pile de la rentrée littéraire, défendu bec et ongles face à certains détracteurs peu enclins au dialogue, considérant d’emblée que cette auteure est une erreur... La littérature est affaire de subjectivité après tout !
Or je suis aujourd’hui contrariée car j’aurais aimé vous dire combien il m’a plu d’y retrouver ce que j’avais précédemment aimé: une plume ciselée qui accompagnait avec justesse l’espace décrit dans Trois saisons d’Orage*, son roman précédent… « Les Trois-Gueules », un lieu- personnage inaccessible dont les formes dentelées et fantomatiques m’avaient puissamment happée. J’étais alors tombée sous le charme de cette Poétique de l’Espace propre à Bachelard, dont Cécile Coulon empruntait si bien le chemin et qui m’a toujours été chère parce qu’elle permet un puissant miroir de l’âme… J’y avais même trouvé quelques accents savoureux me rappelant les descriptions des plus grands : Balzac, Zola… La puissance des lieux pour dire l’homme !
J’aurais donc aimé vous dire qu’Une bête au paradis est, comme l’était Trois saisons d’orage, un livre fascinant sur les liens primaires et bestiaux qui unissent à la terre, où ceux qui l’offensent sont pris au piège.

Je crois en cette auteure. J’aime l’insolence dont Cécile Coulon fait preuve. J’aime sa désinvolture à l’égard du monde, la façon dont elle s’empare des sujets profonds comme on s’y jette à bras le corps. J’aime le fait qu’elle soit directe et que les personnages qu’elle façonne, à son image, soient si bruts, authentiques, innocents parce que jouant leurs rôles jusqu’au bout comme l’Antigone de Sophocle et d’Anouilh en leurs temps…

J’attendais dans Une bête au paradis cette intensité dont elle est capable et qui m’avait marquée. J’attendais du « Paradis », haut lieu du roman et terre de campagne maudite hors du monde, qu’elle déchire les personnages tragiquement, et que dans l’écriture, je l’entende…
J’attendais cette richesse lexicale et grammaticale dont elle sait faire preuve pour me transporter là-bas, que j’y étouffe avec Emilienne, Blanche, Louis et Gabriel.

Mais je suis restée loin. J’en attendais peut-être trop, car l’idée de ce roman me séduisait ; parce que de nombreux ingrédients m’y plaisaient. Or il est clair qu’en littérature les ingrédients et les idées (même bonnes) ne suffisent pas. C’est ce qui fait un auteur, un vrai. Une langue, une musique qui nous attrape et ne nous lâche pas. J’ai été déçue par l’écriture de ce roman, par les réactions trop schématiques des personnages alors qu’ils avaient tout pour être saisissants.

Je lirai probablement le prochain car je suis tenace quand je crois au talent. Je n’aime pas le tapage médiatique mais les échanges sincères argumentés. Pour cette raison, je continue de m’intéresser aux écrits de cette jeune auteure en espérant y trouver à nouveau ce qui m’avait menée vers ses chemins terreux cabossés, une langue savoureuse qui sait dire le mal de l’homme en la(sa) nature.

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